Page 29 - Sur un air militaire
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                              III - L’armée dans le paysage national
                                                     à travers sa musique

              Le service militaire jugé fondamental  l’influence des musiciens ainsi formés
              pour jouer un rôle social et intégrateur,  ou aguerris, de retour dans leur foyer.
              afin de montrer que la Nation, dans son  Les rites civils se trouvaient réadaptés
              ensemble, se prête à la défense du   à une société sans femmes : faux
              territoire et des valeurs, le service   baptêmes pour les nouveaux, fausses
              national, durant une très longue   noces, bals et soirées costumés,
              période, a rassemblé toutes les    théâtre et revues, faux enterrements
              catégories sociales et toutes les régions  comme celui du Père-Cent (représenta-
              de France. Au XIX siècle, on a     tion personnifiée des cents derniers
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              régulièrement pu racheter son service  jours «à tirer»), « La quille »…
              et le faire faire par d'autres ; ce qui   Toutes ces occasions, à travers les
              a eu pour conséquence d’éloigner les  témoignages et les milliers de clichés
              horizons sociaux les uns des autres.   photographiques, nous montrent
              Sa suppression, à la fin du XX siècle,  la présence de la musique. Clairon,
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              s'est notamment appuyée sur le fait  tambour, instruments d'harmonie, mais
              que les mieux renseignés, les étudiants  aussi violons et accordéons diatoniques
              et diplômés, pouvaient échapper à   apportés dans les bagages. Bien sûr,
              la vie de caserne pour des postes   les échanges et enrichissements de
              administratifs ou d’état major. Sa durée  répertoires allaient bon train, et le
              varia de cinq années à l’origine, deux  musicien de retour chez lui faisait aussi
              années en 1905, puis trois ans en  évoluer les pratiques locales.
              1911. Ensuite, elle diminua progressi-  Le service national a fait du «Pioupiou»,
              vement jusqu'à sa suspension en 1996.  du «Tourlourou», des gages de succès
              Moyen d’alphabétisation, le service   pour les cabarets et le disque alors
              national joua également un rôle en   naissant, tandis que les militaires se
              matière de musique. Il prit en charge  griment en civil, voire en femmes pour
              une partie des conscrits et leur inculqua  certains spectacles. Les cafés-concerts
              le solfège et une pratique instrumentale.  raffolent de faux soldats en uniforme
              Toutefois, c’est auprès des Orphéons  de fantaisie. Cet engouement est
              puis des harmonies municipales, que  à l'origine de centaines de titres
              l’armée recrutait ses effectifs    composés, chantés, parfois sous forme
              musiciens. De la même façon,       de monologues. Une part de ce
              l’institution s’est intéressée aux haut-  répertoire est adoptée par les appelés
              boïstes traditionnels (bombardes bre-  et les militaires. Certaines compositions
              tonnes, cornemuses diverses), avec   constituent des appels au service,
              la demande faite aux facteurs, d'un  comme le chant L’Appel de la Classe,
              hautbois pratiquement sans clé,    mais la plupart sont comiques, voire
              la musette, vouée à rendre brillants les  caricaturales. On retrouve ces
              pas redoublés. Par suite, on imagine  chansons, au milieu de romances et de

              Partition du chant L’Hirondelle du souvenir, vers 1900 (27,3×17,5 cm)
              Coll. Musée du Sous-Officier, inv. 2009.0.21
              Le document, sur feuille double, contient l’illustration colorée de Donjean et la partition du chant L’Hirondelle
              du  souvenir, sur  l’air  de  L’Espoir  de  l’hirondelle d’Henri,  avec  des  paroles  de  Colonge.  Cette  romance
              patriotique relate l’histoire d’une hirondelle rendant visite à une mère éplorée d’avoir perdu son fils. Le dessin
              qui l’accompagne se divise en trois scènes. Dans la partie supérieure, est représentée une hirondelle s’approchant
              d’une ferme. Au-dessous, une vue de l’intérieur de la bâtisse présente une femme assise à côté de son rouet, un
              mouchoir à la main. Enfin, une composition florale de pensées nouées par un ruban tricolore orne le côté droit
              du feuillet. Sur la première page est imprimé le chant Après la bataille ! de Colonge et la musique de Deconclois.
              La quatrième page présente le catalogue des romances, chansons et chansonnettes, récits et monologues de
              l’éditeur F. Bigot.
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