Page 30 - Sur un air militaire

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quelques complaintes, dans les cahiers
de chansons rédigés, recopiés et
souvent décorés par les appelés durant
leur service.
Le cahier de chansons de service
militaire constitue un jalon tangible,
comme une stèle, au moins autant
qu'un répertoire. Ce n'est pas une
spécificité, on en trouve dans les
écoles, et notamment les internats,
dans les prisons, dans les bagnes, dans
les cantonnements ou dans les camps
de prisonniers. Ces espaces, à l’écart
du monde, sont le lieu de rites
d’initiation ou de passage. Tout cela est
censé préparer au retour dans un
monde appréhendé désormais avec
bon sens, certes, mais aussi esprit
critique et humour.
On y trouve, plus ou moins parodiés,
sentences, «recettes», aide-mémoire
(souvent magiques), récits d’un
apprentissage des destins heureux ou
tragiques, notamment en amour, à
travers un «paysage» machiste où la
femme est souvent celle des «maisons
closes». Ces productions constituent
une vision stéréotypée qui fait Quille de musicien de l’ENSOA, 1982. (61×34 cm)
probablement office (comme la «quille» Coll. Musée du Sous-Officier, inv. 2007.37.1
de la fin du service militaire) d’exutoire Cette quille de conscrit, en bois brut a appartenu à
Régis Gauffreteau. Ce dernier appartenait à la
des frustrations ressenties. musique de l’ENSOA. Il donna donc à sa quille une
On y trouve «fables», récits édifiants forme de lyre, rappelant ainsi le symbole de la
ou lestes. Il est à noter que la majorité musique militaire. Objets, dessins et inscriptions
potaches traduisent bien l’esprit dans lequel étaient
des chansons sont des récits. réalisées les quilles qui incarnaient la fin du service
Le style et la rédaction des titres, national.
les mentions «sur l’air de» rappellent nationale, étaient l'occasion d'une vraie
exactement les recueils des chanson-
niers édités pour le colportage. On liesse populaire, où harmonies et
trouve aussi, dans ces cahiers, des couleurs se mêlaient aux cris et aux
marques plus originales, pas nécessai- chants. Les notables locaux, notamment
rement musicales. Il s’agit de “marque- à Saint-Maixent-l'Ecole avec l'ENSOA,
sont invités aux prises d'armes, aux
temps”, calendriers de la période en
question, le plus souvent présentés remises de galons et autres cérémonies
sous forme d’un escalier double, que où résonnent encore cuivres, bois et
l’on monte de jour en jour jusqu’à la percussions.
moitié, puis que l’on redescend, avec Ces musiciens militaires intervenaient
également lors d’événements
une halte particulière à cent jours de la
fin, jusqu'à la « quille » libératoire. municipaux ou lors de représentations
Le service militaire manifestait, certes, sous les kiosques à musique qui sont
e
un lien Armée-Nation patent, mais le apparus au milieu du XIX siècle.
rapport entre civils et militaires ne s’ar- Ceux-ci constituaient un espace réservé
qui invitait à la fête et à l’échange.
rête pas là. En effet, les revues mili-
taires, et pas seulement lors de la fête Ils ont participé au mouvement de
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